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Simenon, Georges - Maigret et son mort

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Название:
Maigret et son mort
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неизвестно
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неизвестен
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16 октябрь 2019
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Simenon, Georges - Maigret et son mort

Simenon, Georges - Maigret et son mort краткое содержание

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Maigret et son mort читать онлайн бесплатно

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— Vous voulez me répéter les dates ?

Il récita à nouveau, puis attendit.

— Ajoutez à présent que si, en répondant à mes dernières questions, elle évite de nouveaux massacres, il en sera tenu compte.

Elle ne broncha pas, mais sa moue redevint méprisante.

— Je ne lui demande pas où se trouvent en ce moment ses amis. Je ne lui demande même pas le nom du chef. Je veux savoir si les fonds sont bas, si un coup est en préparation pour des prochains jours.

Cela n’eut pour résultat que de faire briller les yeux de Maria.

— Bien. Elle ne répondra pas. Je crois que j’ai compris. Reste à savoir si Victor Poliensky était le tueur.

Elle écouta la traduction avec beaucoup d’attention, attendit, et Maigret s’énervait de devoir passer ainsi par le canal de l’employé de chancellerie.

— Ils ne devaient pas être plusieurs à manier la hache, et, si ce n’était pas le rôle de Victor, je ne vois pas l’utilité pour la bande de traîner un simple d’esprit avec elle. C’est lui, en définitive, qui a fait prendre Maria et qui les fera prendre tous.

Traduction, toujours. Maintenant, elle semblait triompher. Ils ne savaient rien. Elle était seule à savoir. Elle était dans son lit, affaiblie, avec un nouveau-né accroché à son sein, mais elle s’était tue, elle continuerait à se taire.

Un coup d’œil involontaire à la fenêtre trahissait le fond de sa pensée. Au moment où on l’avait abandonnée rue du Roi-de-Sicile – c’était elle, probablement, qui avait exigé qu’on l’abandonnât – on avait dû lui faire des promesses.

Elle connaissait ses mâles. Elle avait confiance en eux. Tant qu’ils seraient libres, elle ne risquait rien. Ils viendraient. Tôt ou tard, ils la tireraient d’ici, ou plus tard de l’infirmerie même de la Santé.

Elle était splendide, Ses narines frémissaient. Ses lèvres pleines avaient une moue intraduisible. Elle n’était pas de la même race que ceux qui l’entouraient, ni ses hommes. Ils avaient choisi une fois pour toutes de vivre en marge. Ils étaient de grands fauves, et les bêlements des moutons ne touchaient en eux aucune corde sensible.

Où, dans quels bas-fonds, dans quelle atmosphère de misère leur association s’était-elle formée ? Ils avaient eu faim tous. C’était si vrai que, leur coup fait, ils ne pensaient qu’à manger, à manger à longueur de journée, manger et boire, dormir, faire l’amour, manger encore, sans souci du décor miteux de la rue du Roi-de-Sicile ni de leurs vêtements usés qui ressemblaient à des haillons.

Ils ne tuaient pas pour l’argent. L’argent n’était pour eux que le moyen de manger et de dormir en paix, dans leur coin, dans leur tanière, indifférents au reste de l’humanité.

Elle n’était même pas coquette. Les robes trouvées dans la chambre étaient des robes bon marché, comme elle en avait porté dans son village. Elle ne se mettait ni poudre ni rouge à lèvres. Elle n’avait pas de linge fin. Tous autant qu’ils étaient auraient pu, à d’autres âges ou sous d’autres latitudes, vivre de même, nus, dans la forêt ou dans la jungle.

— Dites-lui que je reviendrai, que je lui demande de réfléchir. Elle a maintenant un enfant.

Il baissa la voix malgré lui pour prononcer ces derniers mots.

— À présent, nous vous laissons, dit-il à l’infirmière. Je vous enverrai tout à l’heure un second inspecteur. Je téléphonerai au docteur Boucard. C’est bien lui qui la soigne, n’est-ce pas ?

— C’est le chef du service.

— Si elle est transportable, on la transférera sans doute ce soir ou demain matin à la Santé.

Malgré ce qu’il lui avait révélé de sa patiente, elle le regardait toujours avec rancune.

— Au revoir, mademoiselle. Venez, monsieur.

Dans le couloir, il dit quelques mots à Lucas, qui n’était au courant de rien. L’infirmière qui les avait accompagnés depuis le rez-de-chaussée les attendait un peu plus loin. Devant une porte, il y avait cinq ou six vases pleins de fleurs fraîches.

— À qui est-ce ? demanda-t-il.

L’infirmière était jeune et blonde, potelée sous sa blouse.

— Ce n’est plus à personne. La dame qui occupait cette chambre est rentrée chez elle voilà quelques minutes. Elle a laissé les fleurs. Elle avait beaucoup d’amis.

Il lui parla à voix basse. Elle dit oui. Elle paraissait étonnée. Mais le Tchèque l’aurait été davantage encore s’il avait deviné ce que Maigret venait de faire.

Il avait dit simplement, un peu gêné :

— Mettez-en donc quelques-unes au 217.

Parce que la chambre était nue et froide, parce qu’il y avait quand même là une femme et un nouveau petit d’homme.

***

Il était onze heures et demie. Dans le long couloir mal éclairé où s’alignent les portes des juges d’instruction, quelques hommes, menottes aux mains, sans cravate, encadrés de gendarmes, attendaient encore leur tour, assis sur les bancs sans dossier. Il y avait aussi des femmes, des témoins qui s’impatientaient.

Le juge Coméliau, plus grave que jamais, soucieux, avait dû faire chercher des chaises chez un de ses collègues et avait envoyé son greffier déjeuner.

Sur la demande de Maigret, le directeur de la P. J. était présent, assis dans un fauteuil, tandis que, sur la chaise généralement réservée au gens qu’on interroge, se tenait le commissaire Colombani, de la Sûreté nationale.

Comme la Police Judiciaire, en principe, ne s’occupe que de Paris et de la région parisienne, c’était lui qui, depuis cinq mois, en contact avec les brigades mobiles, dirigeait l’enquête au sujet des « Tueurs de Picardie », comme les journalistes, après le premier crime, avaient baptisé la bande.

De bonne heure, le matin, il avait eu une entrevue avec Maigret et lui avait confié son dossier.

De bonne heure aussi, un peu avant neuf heures, un des inspecteurs postés rue du Roi-de-Sicile avait frappé à la porte du commissaire.

— Il est ici, avait-il annoncé.

Il s’agissait du patron de l’Hôtel du Lion d’Or. La nuit, ou plutôt la fin de la nuit, lui avait porté conseil. Hâve, mal rasé, les vêtements fripés, il avait interpellé l’inspecteur qui faisait les cent pas devant la maison.

— Je voudrais aller au quai des Orfèvres, avait-il annoncé.

— Allez-y.

— J’ai peur.

— Je vous accompagnerai.

Mais Victor n’avait-il pas été abattu en pleine rue, au milieu de la foule ?

— J’aimerais mieux que nous prenions un taxi. Je payerai.

Quand il entra dans le bureau, Maigret avait son dossier devant lui, car l’homme comptait trois condamnations à son actif.

— Tu as les dates ?

— J’ai réfléchi, oui. On verra bien ce qui arrivera. Du moment que vous promettez de me protéger...

Il puait la lâcheté et la maladie. Tout son être faisait penser à un mal blanc. C’est cet homme-là, pourtant qui avait été appréhendé à deux reprises pour attentat à la pudeur.

— La première fois qu’ils se sont absentés, je n’ai pas fait trop attention, mais la seconde cela m’a frappé.

— La seconde ? Donc, le 21 novembre.

— Comment le savez-vous ?

— Parce que j’y ai pensé, moi aussi, et que j’ai lu les journaux.

— Je me suis douté que c’était eux. mais je n’ai rien laissé voir.

— Ils ont deviné quand même, hein ?

— Je ne sais pas. Ils m’ont donné un billet de mille.

— Hier, tu as dit cinq cents.

— Je me suis trompé. C’est la fois suivante, quand ils sont rentrés, que Cari m’a menacé.

— Ils partaient en voiture ?

— Je ne sais pas. En tout cas, ils quittaient la maison à pied.

— Les visites de l’autre, de celui que tu ne connais pas, avaient lieu quelques jours avant ?

— Maintenant que j’y réfléchis, je crois que oui.

— Il couchait avec Maria aussi ?

— Non.

— Maintenant, tu vas gentiment m’avouer quelque chose. Souviens-toi de tes deux premières condamnations.

— J’étais jeune.

— C’était encore plus dégoûtant. Comme je te connais, la Maria devait t’exciter.

— Je ne l’ai jamais touchée.

— Parbleu ! Tu avais peur des autres.

— D’elle aussi.

— Bon ! Cette fois au moins tu es franc. Seulement, tu ne t’es pas contenté d’aller ouvrir leur porte de temps en temps. Avoue !

— J’ai fait un trou dans la cloison, c’est vrai. Je m’arrangeais pour que la chambre voisine soit occupée le plus rarement possible.

— Qui couchait avec elle ?

— Tous.

— Y compris le gamin ?

— Surtout le gamin.

— Tu m’as dit hier que c’était probablement son frère.

— Parce qu’il lui ressemble. C’est le plus amoureux. Je l’ai vu pleurer plusieurs fois. Quand il était avec elle, il la suppliait.

— De quoi ?

— Je ne sais pas. Ils ne parlaient pas français. Lorsque c’était un autre qui était dans la chambre, il lui arrivait de descendre et d’aller se soûler tout seul dans un petit bistrot de la rue des Rosiers.

— Ils se disputaient ?

— Les hommes ne s’aimaient pas.

— Tu ne sais vraiment pas à qui appartient la chemise maculée de sang que tu as vu laver dans la cuvette ?

— Je n’en suis pas sûr. Je l’ai vue sur le dos de Victor, mais il leur arrivait d’échanger leurs affaires.

— À ton avis, de ceux qui habitaient chez toi, qui était le chef ?

— Il n’y avait pas de chef. Quand il y avait bagarre, Maria les engueulait, et ils se taisaient.

Le tenancier du meublé était retourné dans son taudis, toujours flanqué d’un inspecteur, contre qui, dans la rue, il se collait peureusement, la peau moite d’une sueur d’angoisse. Il devait sentir encore plus mauvais que d’habitude, car la peur sent mauvais.

À présent, le juge Coméliau, au faux col roide, à la cravate sombre, au complet impeccable, regardait Maigret qui s’était assis sur le rebord de la fenêtre, le dos à la cour.

— La femme n’a rien dit et ne parlera pas, dit le commissaire en fumant sa pipe à petites bouffées. Depuis hier au soir, nous avons trois fauves en liberté dans Paris, Serge Madok, Cari et le petit Pietr, qui, malgré son âge, ne doit pas avoir une âme d’enfant de chœur. Je ne parle pas de celui qui venait leur rendre visite et qui est probablement leur chef à tous.

— Je suppose, interrompit le juge, que vous avez fait le nécessaire ?

Il aurait bien voulu prendre Maigret en faute. Celui-ci avait trop appris, en trop peu de temps, comme en se jouant. Avec l’air de s’occuper uniquement de son mort, du Petit Albert, voilà qu’il avait déniché une bande dont la police s’occupait en vain depuis cinq mois.

— Les gares sont alertées, rassurez-vous. Cela ne servira de rien, mais c’est la routine. On surveille les routes, les frontières. Toujours la routine. Beaucoup de circulaires, de télégrammes, de coups de téléphone, des milliers de gens en mouvement, mais...

— C’est indispensable.

— Aussi c’est fait. On surveille aussi les meublés, surtout ceux dans le genre de l’Hôtel du Lion d’Or. Il faudra bien que ces gens-là couchent quelque part.

— Un directeur de journal, qui est de mes amis, m’a téléphoné tout à l’heure pour se plaindre de vous. Il paraît que vous refusez de donner le moindre renseignement aux reporters.

— C’est exact. Je pense qu’il est inutile d’alerter la population parisienne en lui annonçant que quelques tueurs traqués errent dans les rues de la ville.

— Je suis de l’avis de Maigret, appuya le directeur de la P. J.

— Je ne critique pas, messieurs. J’essaie de me faire une opinion. Vous avez vos méthodes. Le commissaire Maigret, en particulier, a les siennes, qui sont parfois assez particulières. Il ne se montre pas toujours empressé à me mettre au courant, et pourtant, en dernier ressort, c’est moi seul qui suis responsable. Le procureur vient, à ma demande, de joindre l’affaire de la bande de Picardie à celle du Petit Albert. J’aimerais pouvoir faire le point.

— Nous savons déjà, récita Maigret d’une voix volontairement monotone, comment les victimes ont été choisies.

— Vous avez reçu des témoignages du Nord ?

— Ils n’ont pas été nécessaires. Moers a relevé, dans les deux chambres de la rue du Roi-de-Sicile, de nombreuses empreintes digitales. Si ces messieurs, quand ils travaillaient dans les fermes, portaient des gants de caoutchouc et ne laissaient rien derrière eux, si les assassins du petit Albert avaient des gants eux aussi, les hôtes du Lion d’Or vivaient chez eux les mains nues. Au service des fiches, on a reconnu les empreintes de l’un d’entre eux seulement.

— Lequel ?

— Cari. Son nom est Cari Lipschitz. Il est né en Bohême et est entré en France régulièrement, voilà cinq ans, avec un passeport en bonne forme. Il faisait partie d’un groupe de travailleurs agricoles qui a été dirigé sur les grosses fermes de Picardie et de l’Artois.

— À quel titre sa fiche figure-t-elle aux sommiers ?

— Il y a deux ans, il a été accusé de meurtre, accompagné de viol sur une gamine de Saint-Aubin. Il travaillait à ce moment-là dans une ferme du village. Arrêté, sur la foi de la rumeur publique, il a été relaxé un mois plus tard, faute de preuves. Depuis, on perd sa trace. Sans doute est-il venu à Paris ? On vérifiera dans les grandes usines de la banlieue, et je ne serais pas étonné qu’il ait travaillé chez Citroën, lui aussi. Un inspecteur est déjà en route.

— Cela nous en fait donc un d’identifié.

— Ce n’est pas beaucoup, mais vous remarquerez qu’il est à la base de toute l’affaire. Colombani a bien voulu me confier son dossier, que j’ai examiné attentivement. Voici une carte qu’il a dressée avec beaucoup d’à-propos. Je lis aussi dans un de ses rapports que, dans les villages où les crimes ont été commis, ne résidait aucun Tchèque. Comme on y comptait quelques Polonais, certains ont parlé d’une « bande des Polonais », mettant les massacres de fermiers à leur compte.

— Où voulez-vous en venir ?

— Quand le groupe auquel Cari appartenait est arrivé en France, les hommes ont été dispersés. Nous ne trouvons que lui, à cette époque, dans la région qui se situe un peu au sud d’Amiens. C’est là que les trois premiers crimes ont été commis, toujours dans des fermes riches et isolées, toujours aussi chez des vieillards.

— Et les deux fermiers ?

— Un peu plus à l’est, vers Saint-Quentin. Nous apprendrons certainement que Cari a eu une liaison ou un ami dans ces parages. Il pouvait s’y rendre à bicyclette. Trois ans plus tard, quand la bande s’est constituée...

— Où croyez-vous qu’elle se soit constituée ?

— Je l’ignore, mais vous verrez que nous retrouverons la plupart des personnages dans les environs du quai de Javel. Victor Poliensky travaillait encore chez Citroën peu de semaines avant le premier coup de main.

— Vous avez parlé d’un chef.

— Permettez-moi de finir d’abord ma pensée. Avant la mort du petit Albert, ou plutôt avant la découverte du corps de celui-ci place de la Concorde, – j’insiste sur la différence et vous verrez pourquoi – la bande, qui en était à son quatrième massacre, jouissait d’une sécurité complète. Personne ne connaissait le signalement de ceux qui la composaient. Notre seul témoin était une fillette qui avait vu une femme torturer sa mère. Quant aux hommes, elle les avait à peine entrevus, et ils portaient tous des chiffons noirs sur le visage.


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